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Il intègre 5 % de pommes de terre dans son silo de maïs ensilage

Gérard Grislain, en polyculture-élevage dans le Nord de la France, tire profit des coproduits d'industrie pour la finition de ses taurillons.

Comme en 2014, 2017, 2020 et maintenant 2025, l’excès de volume sur le marché de la pomme de terre offre des opportunités pour l’alimentation animale. À force de crises, les éleveurs commencent à être rodés. Dans le Nord, Gérard Grislain l’utilise en pur pour l’engraissement des taurillons, et l’a intégrée dans son dernier silo d’ensilage de maïs.

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« Quand mon garçon est allé voir le silo, il a tout de suite dit : « Mais papa, c’est quoi ça ? Il y a des patates dans le maïs !" Et il a commencé à les retirer » sourit Gérard Grislain, éleveur de Blondes d’Aquitaine à Quesnoy-sur-Deûle dans le Nord.

En septembre, le groupe des producteurs de pommes de terre du Nord-Ouest européen (NEPG) évoquait un excès de production record, avec 40 000 ha supplémentaires et des rendements particulièrement généreux. « Nous traversons actuellement une véritable crise de croissance », décrypte l’association dans un communiqué. Si bien qu’à l’heure actuelle, le marché du tubercule frôle des abysses rarement explorés. « On parle de 10 €, peut-être 15 €/tonne », lance l’éleveur, lui-même planteur. Elles étaient dix fois plus chères l’an dernier à la même époque.

Un contexte qui offre des opportunités de marché – ou du moins des volumes disponibles – pour l’alimentation animale. « J’ai un voisin qui avait 80 tonnes de pommes de terre difformes sur les bras, alors il m’en a donné une partie pour les vaches », résume Gérard. Avec un marché du libre saturé, difficile d’écouler des tubercules hors calibre. « Cette année, pour vendre des pommes de terre, il faut qu’elles sachent lire et écrire », aime à dire un négociant belge.

12 tonnes de pommes de terre dans le silo

L’agriculteur a profité des derniers ensilages de maïs pour en introduire une partie dans le silo. « Je sème une partie des maïs après un ray-grass en dérobée, ce qui donne un dernier ensilage en octobre », précise l’agriculteur. Pour le mélange, compter 12 t de pommes de terre pour 225 t de maïs (matière brute). « On est sur environ 5 % de pommes de terre. »

À ce niveau, pas de quoi changer drastiquement la valeur alimentaire de la ration. Le principal intérêt de la pomme de terre est sa richesse en énergie : compter autour de 1,2 UFL. Elle présente également un amidon plus lent et moins acidogène que celui du blé, ce qui en fait un bon complément pour les rations à base d’herbe.

Avec 5 % de pomme de terre, l’intérêt réside surtout dans les volumes supplémentaires. « Le maïs de seconde culture n’était pas très beau, autour de 12,5 t. MS. Dans la région, on peut prétendre à davantage, alors les pommes de terre complètent. »

Côté stockage, rien de sorcier : l’agriculteur a introduit des pommes de terre entre les couches de maïs avec le godet du télesco. L’objectif : « cuire » le tubercule. « J’ai déjà essayé avec de l’ensilage d’herbe il y a quelques années. La fermentation travaille la pomme de terre et elle ressort plus ou moins molle. » Contrairement au maïs, les pommes de terre ne génèrent pas de fermentation lactique. C’est le fourrage environnant qui acidifie le milieu et permet la conservation, d’où l’importance du tassement pour un bon contact pomme de terre/fourrage. Attention également à la terre qui peut entraîner des fermentations butyriques.

Éviter l’engosillement

Au-delà de la conservation, la fermentation permet de confire le tubercule. Car tout l’enjeu est de les rendre faciles à manger. « Lorsqu’on en donne à l’auge, elles ont tendance à se ruer dessus et à les manger trop vite. Il faut que la consistance soit adaptée pour qu’elles ne s’étranglent pas. »

À défaut, les conséquences peuvent être tragiques. « Une année, une vache est sortie d’un parc. La première chose qu’elle a faite, c’est courir vers le tas de patates. C’est dire si elles aiment ça ! Elle en a mangé une, deux tout au plus… Et ça n’a pas loupé », se remémore Gérard. Le lendemain, le vétérinaire venait, mais c’était déjà trop tard. « Elle est tombée raide devant lui avec une patate coincée dans le gosier. » « Ça a beau être bon marché, si l’on perd une vache, on a tout gagné… », commente Bernadette, sa maman.

L’utilisation d’une barre au garrot ou de cornadis permet de limiter les risques : la fausse route arrive notamment lorsque la vache lève la tête en mangeant.

18 tonnes pour l’engraissement des taurillons

Gérard propose également des pommes de terre dans l’assiette des taurillons. Il en a gardé 18 tonnes à distribuer avec la ration hivernale. Sur le plan énergétique, la pomme de terre présente des valeurs autour de 63 g de PDIN et 103 g de PDIE, et 70 % de teneur moyenne en amidon. Elle est un moyen d’engraisser tout en limitant la complémentation.

D’autant que sur la ferme des Trois Tilleuls, les Blonds sont coutumiers des menus variés. La ration de base avec 80 % de maïs ensilage et 20 % d’ensilage d’herbe est agrémentée avec des déchets de légumes d’industrie. La complémentation en concentrés varie selon les arrivages.

J’ai l’habitude d’introduire des coproduits dans la ration.

Cet hiver, ils démarreront la campagne avec des pommes de terre. Pour la distribution, Gérard utilise un godet désileur doté d’un couteau. Elles permettront de diminuer la part des concentrés dans la ration. En avril, les premiers légumes arriveront. « On démarre sur des épinards, puis on voit les petits pois arriver courant juin. » Et les vaches aiment les petits pois ! « En général, je tourne avec 3 kg de concentré par taurillon en hiver et j’arrête la complémentation à mesure que j’introduis les légumes. Les pois sont riches en azote, on voit qu’ils ont un beau poil lorsqu’on leur en donne », constate-t-il. Viennent ensuite les haricots, le maïs doux, puis les carottes en fin de saison.

Mais attention à ces dernières : « je n’en distribue pas aux animaux en finition car elles donnent un goût à la viande », alerte l’agriculteur. « On a un peu l’impression de manger un bœuf carotte, mais sans carottes… » L’aliment est réservé pour les vaches allaitantes.

Les performances ne sont pas en reste. La semaine prochaine, l’éleveur espère un peu plus de 550 kg carcasse pour trois taurillons blonds. « Avec les coproduits, je ne peux pas faire de JB de 18 mois, ils ont un petit deux ans lorsqu’ils partent, mais ils coûtent aussi moins cher à produire. » Six mois sur douze, l’éleveur parvient à se passer de concentrés dans la ration : un système éprouvé par de nombreuses années de faibles marges pour la filière bovine.

Mais les coproduits ont leur lot de contraintes. « Je dois aller chercher les déchets à l’usine deux à trois fois par semaine », rappelle l’éleveur. Logistique, transition alimentaire, stockage… Pour maintenir l’élevage avec peu de prairies, l’éleveur profite des opportunités de marché permises par la région, et le moins qu’on puisse dire, c’est que les vaches disposent d’une alimentation variée !

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